Malgré une inscription budgétaire de 100 000 euros laissant espérer une participation de Monaco à l’Eurovision en 2023, le projet a finalement été stoppé par la partie monégasque. Pourquoi l’État a-t-il décidé de renoncer à cette compétition musicale qui attire entre 160 et 180 millions de téléspectateurs ?
La Principauté fera-t-elle un jour son grand retour à l’Eurovision ? Sur le papier, le scénario n’est pas si improbable que cela… Tout d’abord, parce que Monaco, dans le passé, a déjà participé plus d’une vingtaine de fois à cette compétition musicale. D’autre part, parce que la Principauté avait même décroché la première place. C’était en avril 1971 avec la chanteuse Séverine. (1) Un autre élément (plus comptable cette fois-ci) est venu mettre le doute sur un éventuel retour l’année prochaine. Dans les documents présentant le budget primitif 2022 de l’État monégasque, il était indiqué noir sur blanc qu’une somme de 100 000 euros avait été inscrite pour « initier la candidature de la Principauté au concours Eurovision 2023 ».
Les conditions requises
Finalement, dommage pour les fans monégasques de l’Eurovision (s’il en existe), il n’en est rien… Vous ne verrez pas la Principauté représentée dans cette compétition l’année prochaine malgré une volonté réelle en coulisses de se lancer. La cause est à la fois technique mais aussi, économique et logistique. Pour participer à l’Eurovision, au-delà de dénicher un artiste qui veuille bien représenter les couleurs monégasques, plusieurs conditions sont nécessaires. Il faut tout d’abord être membre d’une organisation internationale. Son nom : l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER). La Principauté remplit ce premier critère grâce à Monaco Média Diffusion (MMD) qui est membre de cette organisation européenne. Cette société nationale monégasque créée en 1994 est chargée de diffuser les programmes de radio et de télévision sur les fréquences analogiques et numériques de la Principauté. Une deuxième condition est toutefois absolument nécessaire : intégrer le groupe des participants à l’Eurovision. Mais c’est moins facile qu’il n’y parait…
« Nous devons gagner la confiance de l’UER »
Car cela nécessite des moyens considérables, non seulement financiers — avec des coûts directs et indirects — mais aussi techniques et humains. « Pour ce deuxième niveau, il faut déjà mener des actions de lobbying, il faut se faire connaître, montrer sa motivation pour rentrer dans ce second cercle et n’oublions pas que pour l’UER, c’est toujours une chaîne de télévision qui porte la candidature d’un pays, car il faut pouvoir assurer une retransmission télévisuelle. Or, Monaco Média Diffusion n’est pas une chaîne de télévision mais un diffuseur de contenus. Produire du contenu n’est pas notre métier. Nous n’avons pas de studio de télévision, ni le personnel suffisant pour assurer la mission. À MMD, nous sommes uniquement 9 techniciens et une assistante. Porter la candidature de Monaco, dans l’absolu, en tant que société détenue par l’État monégasque, ce serait un honneur mais nous n’avons pas droit de faire un faux pas. Il y a un risque réputationnel important car c’est l’image d’un pays tout entier qui est en jeu. Vis-à-vis des instances internationales, la légitimité et la logistique pour porter ce dossier, c’est loin d’être gagné car nous devons gagner leur confiance », indique Thierry Poyet, administrateur-délégué de Monaco Média Diffusion. S’il y a donc bien eu une volonté politique de faire participer Monaco à l’Eurovision, les moyens humains et techniques ne sont pas encore présents, et le calendrier de réalisation beaucoup trop court. « Si le(la) candidat(e) monégasque passe les qualifications et ainsi, a la chance de pouvoir participer à l’épreuve finale — celle qui est diffusée en Eurovision, c’est certainement une très bonne opération en termes de renommée puisque tous les projecteurs seront braqués sur Monaco ce soir-là. Mais il ne faut pas le faire à la légère, rajoute Thierry Poyet. C’est une grande opération de communication, un grand chantier logistique, au sein d’un grand groupe européen. C’est un processus bien plus long et bien plus complexe que celui que l’on pouvait imaginer dans un premier temps. Les conditions de succès ne me semblent pas être réunies pour le moment. »
Le rôle de TV5 Monde
Selon nos informations, lorsque la Principauté présentait un artiste à l’Eurovision dans le passé, c’était la chaîne Télé Monte-Carlo (TMC) qui portait la candidature pour le compte de l’État. En toute logique, la seule structure qui pourrait légitimement porter ce dossier est la future chaîne publique monégasque diffusée sur TV5 Monde, Monte-Carlo Riviera, chapeautée aujourd’hui par Salim Zeghdar et dont le lancement est prévu à l’automne 2023. Est-ce qu’à terme, cette participation à l’Eurovision (qui coûterait dans l’absolu plusieurs millions d’euros) sera une priorité de cette chaîne ? Difficile à dire à ce stade. Sans doute, faudra-t-il attendre que le paysage audiovisuel monégasque et la chaîne en question soient d’abord bien stabilisés et rodés.
« Le risque de gagner est lourd »
Autre problématique à prendre en compte : si Monaco venait à décrocher la première place, Monaco serait dans l’obligation d’organiser l’Eurovision l’année d’après sur son sol. Or, c’est une organisation colossale. Au-delà de la salle capable d’accueillir un tel évènement, de nombreuses délégations devraient également se déplacer à Monaco, et cela nécessiterait de surcroît des moyens de télédiffusion en eurovision. « On constate également que de plus en plus de pays se désengagent de l’Eurovision car le sujet n’est pas toujours artistique, il est aussi politique. Il faudra sans aucun doute mener une réflexion globale sur ce sujet car le sujet sera en très forte visibilité et concernera de nombreux acteurs locaux. », conclut Thierry Poyet.
Un Eurovision non pas en Ukraine, mais à Liverpool
Victorieux l’année dernière, l’Ukraine devait organiser la prochaine édition de l’Eurovision. Mais l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER) a décidé, en juin dernier, de lui retirer ce droit, estimant que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies sur place, en raison de l’invasion russe. Les Britanniques (qui ont terminé deuxième du concours en 2022) se sont donc mis d’accord avec l’Ukraine pour accueillir l’édition 2023. Après avoir hésité entre une vingtaine de villes du Royaume-Uni, la chaîne de télévision britannique, la BBC a annoncé que c’est finalement Liverpool qui a été choisie.
(1) Le 3 avril 1971 précisément, la chanteuse Séverine a remporté le concours de l’Eurovision sous les couleurs de la Principauté. Ce fut la seule et unique fois d’ailleurs que Monaco gagnait cette compétition musicale.
