Monégasques, employés de la Société des Bains de Mer, fonctionnaires et agents de l’État, sans oublier tous ceux qui en font eux-mêmes la demande… Plusieurs catégories de personnes n’ont pas le droit de jouer au casino en Principauté. On vous explique pourquoi
Pas de punto banco, de baccara ni de machines à sous pour eux… Depuis que le Casino de Monte-Carlo a ouvert ses portes en 1863, une interdiction a été établie : les Monégasques n’ont pas le droit d’y jouer. Cette interdiction (applicable toutefois uniquement en Principauté) a été établie noir sur blanc un siècle plus tard, dans une loi datant de 1987 (1). Depuis ce temps-là, cette mesure n’a jamais été remise en cause. Et aucune voix, politique ou autre, ne s’est élevée pour la lever. Dans la population non plus, cette revendication n’a jamais été portée dans le débat public. Pour quelle raisons alors, le souverain de l’époque, le Prince Charles III (1818-1889), a-t-il décidé de priver les nationaux de jeux d’argent sur leur propre territoire ? Les raisons sont d’abord économiques.
Ne pas appauvrir les Monégasques
Au XIXème siècle, les Monégasques avaient en effet de faibles revenus. A l’époque, les villes de Menton et de Roquebrune (qui constituaient 80 % du territoire monégasque) ont été officiellement cédées à la France. Cette perte de territoire en 1861 a engendré l’appauvrissement de Monaco, privé de ses principaux revenus agricoles. Le prince Charles III « en bon père de famille » ne voulait donc pas que ses sujets ne se ruinent aux jeux.
Empêcher le baronnage
Autre raison fondamentale, encore valable aujourd’hui : empêcher les fraudes. Le territoire monégasque est en effet très exigu, et de nombreux Monégasques (à l’époque déjà, et aujourd’hui encore) sont croupiers du fait de la priorité nationale. « Il est donc inconcevable qu’on puisse faire gagner ou faire perdre de l’argent entre membres d’une même famille », fait savoir la SBM. « C’est une protection de l’ensemble des Monégasques », rajoute de son côté, Rudy Tarditi, directeur des casinos.
Le personnel de la SBM interdit de casino à Monaco
Les Monégasques ne sont pas les seuls à être privés de jeux d’argent en Principauté. La loi mentionne que c’est également le cas pour les fonctionnaires et les agents de l’État, les militaires de tous grades et de toute nationalité « en uniforme », les ministres des cultes et autres membres de congrégations religieuses, les individus « en état d’ivresse ou sous l’empire d’une drogue », ou encore les personnes dites « incapables » sur demande écrite de leur représentant légal ou de leur curateur. Pas question non plus pour les employés de la Société des Bains de Mer, administratifs ou autres, de s’attarder aux tables de jeux. La loi indique qu’ils n’ont pas le droit de « participer aux salons de jeux, par quelque moyen que ce soit, et même par l’entremise d’un tiers. »
Interdiction volontaire
L’interdiction de pénétrer dans un casino monégasque peut également émaner des joueurs eux-mêmes s’ils estiment être addicts et avoir déjà trop flambé. « Cela s’appelle la consigne volontaire. Le client nous indique qu’il perd trop d’argent et qu’il veut s’éloigner des établissements de jeux. Pendant six mois, il n’a donc plus le droit de rentrer au sein du casino. Passé ce délai, il peut nous transmettre une lettre indiquant qu’il va mieux, et qu’il veut revenir dans nos établissements », explique Rudy Tarditi. La SBM n’a toutefois pas souhaité communiquer combien de personnes à l’heure actuelle ont décidé, par elles-mêmes, de s’éloigner un temps des casinos. Le groupe assure également que les croupiers ont été formés depuis quelques années pour détecter d’éventuels comportements trop addictifs chez les joueurs. Une préoccupation qui n’était pas du tout prise en compte auparavant. « Cela a changé, assure encore une fois la SBM. Les croupiers sont en première ligne. Un gros joueur qui va au-delà de certaines limites est toujours difficile à stopper. Il faut être formé pour le détecter, lui signaler, et l’accompagner. C’est un exercice toujours délicat. »
Les indésirables
Parmi les « indésirables » du casino, il y a également ceux « dont l’attitude est susceptible de provoquer scandale ou incidents ». Cette fois-ci, l’interdiction de pénétrer les lieux émane donc de la Société des Bains de Mer. Elle peut durer plusieurs mois ou être définitive selon la gravité des faits. « Nous pouvons prononcer ce type de décision si un joueur a eu une attitude déplaisante dans les salons de jeux, s’il est trop alcoolisé, ou a des propos désobligeants envers des clients. Nous pouvons le mettre à l’extérieur de l’établissement le temps que la situation s’apaise, ou l’interdire de jeux. C’est la Société des Bains de Mer qui décide. Comme dans un club privé », fait savoir Rudy Tarditi (2). En revanche, si un joueur a commis un fait plus grave, « comme un vol », l’interdiction est, dans la majorité des cas, définitive. Plus inédit, plusieurs anciens employés de jeux de la Principauté ont également été interdits de casino. « Une vague de croupiers a fait des bêtises dans les années 80. Notamment en 1983 au casino Loews. Ils étaient âgés d’une vingtaine d’années. Ils sont toujours aujourd’hui interdits de casino en Principauté… », nous indique Rudy Tarditi, sans toutefois vouloir donner plus de détails.
Déontologie : les croupiers peuvent-ils jouer au casino ?
Les croupiers de la Principauté ont-ils le droit de devenir à leur tour simple joueurs dans les casinos situés hors des frontières monégasques ? En théorie, la réponse est non. Que ce soit dans le contrat des croupiers ou dans la loi monégasque, il est en effet mentionné noir sur blanc que tout employé du casino ne peut « fréquenter des maisons de jeux, même hors de la Principauté, sauf dérogation exceptionnelle de l’employeur. » « Après, si vous êtes en vacances à Las Vegas, personne ne peut réellement vous en empêcher. C’est ensuite une question déontologique… , souffle-t-on dans les couloirs de la SBM. De même, si des croupiers monégasques prennent le risque de fréquenter des casinos de la Côte d’Azur et qu’une grosse somme d’argent est gagnée, des coups de téléphone entre directions arrivent vite… ».
Le saviez-vous ?
Le métier de croupier à Monaco a très longtemps été exclusivement masculin. Cette profession ne s’est ouverte aux femmes que très tardivement : « en décembre 1997 », indique la SBM. Ces 20 dernières années, cette profession s’est donc féminisée. Dans le secteur des jeux de table, le groupe dénombre aujourd’hui 40 femmes employées ou cadres de jeux. Soit un peu plus de 10 % de l’effectif de ce corps de métier.
(1) Loi n. 1.103 du 12/06/1987 relative aux jeux de hasard
(2) Si par la suite, un client exclu du casino souhaite réintégrer l’établissement, il doit écrire une lettre à la SBM. Et sa réintégration est acceptée ou non, au bon vouloir du groupe.
