La gastronomie japonaise est un art, sublimé à Monaco par le Brésilien Wagner Spadacio, chef du Nobu au Fairmont Monte-Carlo. Rencontre avec ce “maître sushis”.
Lorsqu’il cuisine et dresse ses plats, Wagner Spadacio a tous les attributs des grands chefs : le souci du détail, la quête du goût, le sens de l’esthétique et une volonté permanente de tutoyer la perfection. Sur la scène culinaire monégasque, ce Brésilien de 31 ans né à São Paulo s’est fait un nom. Non pas dans la cuisine sud-américaine comme ses origines et son léger accent chantant pourraient le faire croire, mais dans la cuisine… nippone. Le chef du Nobu au Fairmont Monte-Carlo est en effet devenu le porte-flambeau de la gastronomie japonaise à Monaco. S’il n’a pas officiellement le diplôme de “maître sushi” — qui requiert 10 années d’apprentissage intensif — Wagner Spadacio a tout d’un maître en la matière. Son palmarès en témoigne : l’ancien chef du Buddha-Bar à Monaco a été ni plus ni moins vice-champion du monde de sushi en 2018 et champion de France en 2017.
Culture japonaise dès l’enfance
Comment cet enfant brésilien né d’une mère chirurgien-dentiste et d’un père ingénieur en mécanique de bateau est devenu au fil du temps un véritable “sushiya” (maître du sushi) ? Très tôt, dans ses jeunes années, Wagner Spadacio a baigné dans la culture japonaise. Fait souvent méconnu, le Brésil — et São Paulo en particulier — abrite en effet une très grande communauté japonaise. « Les sushis sont arrivés au Brésil bien avant l’Europe. Beaucoup de Japonais sont venus vivre en Amérique du Sud. São Paulo notamment abrite la plus grande colonie japonaise. Il y a des écoles où il n’y a que des Japonais. J’ai été d’ailleurs scolarisé dans l’une d’entre elles car j’avais beaucoup d’amis japonais, se souvient-il. Déjà tout petit, vers 5 ou 6 ans, je mangeais des sushis. »
De la gastronomie française à la gastronomie japonaise
À l’âge de 13 ans, changement de cap. Sa mère se remarie à un Français. Le jeune Spadacio débarque alors à Orchies, près de Lille. Après une scolarité classique, il intègre une école hôtelière où il se forme à la gastronomie française. Mais très vite, l’ADN nippon reprend le dessus. À 21 ans, il file à Paris dans la seule école certifiée par l’État proposant une formation à la gastronomie japonaise. Un apprentissage de quelques semaines seulement, mais durant lequel il apprend tous les fondamentaux de cette cuisine très exigeante. « L’école enseigne les techniques de base. Ensuite, c’est à vous d’explorer, de vous instruire, et de trouver des chefs qui veulent bien vous montrer leur savoir-faire. » Ce qui n’est manifestement pas chose aisée… Car les chefs japonais sont plutôt du genre discrets. « Cette discrétion est culturelle au Japon. Il faut donc regarder les chefs faire et comprendre par vous-même en regardant. » L’un des chefs que Wagner Spadacio a justement admiré, c’est Hirohisa Koyama, trois étoiles à Tokyo. « Il a une influence française. Il parle d’ailleurs français. Je me suis entrainé dans l’un de ses restaurants pour le championnat du monde. C’est quelqu’un de très pointu qui m’a beaucoup inspiré. »
Le sushi, un savoir-faire exigeant
Car pour devenir un professionnel aguerri dans le domaine du sushi, mieux vaut avoir de la ténacité… Si ce met est relativement petit, le savoir-faire qu’il exige est grand : techniques du filetage, de la découpe, du désarêtage… La préparation des sushis obéit à un cérémonial et à des techniques bien précises et complexes. « Dans la cuisine japonaise, il y a en effet beaucoup de techniques différentes pour transformer le poisson. Cela commence dans l’eau et dans le bateau. Il y a la manière de le pêcher avec, par exemple, la méthode appelée, l’ikejime, qui donne une texture vraiment différente au poisson. » Il y a aussi des méthodes de conservation et de maturation très spécifiques. Sans oublier, les règles d’hygiène qui, elles aussi, sont primordiales. « Car servir du poisson cru peut être très dangereux. Surtout lorsqu’on utilise des méthodes de maturation pour vieillir le poisson. Si l’on ne le fait pas bien, cela peut être mortel. » C’est avec cette même ténacité, que Wagner Spadacio a réussi à se placer haut dans les différents concours auxquels il a participé. « Pour les championnats, je m’entraînais intensément, du matin au soir », se rappelle-t-il. Cette énergie, il l’emploie également aujourd’hui pour le premier championnat d’Europe qu’il est en train d’organiser, et qui se déroulera, a priori, dans le courant de l’année prochaine. Avec encore et toujours, le sushi de bien faire.
Des sushis calibrés pour l’Europe
Au Nobu, vous trouverez des créations 100 % made in Spadacio mais aussi d’autres plats traditionnellement proposés par ce restaurant. Dans ses sushis, le chef aime y mettre sa touche personnelle avec à la fois des produits italiens, français mais aussi sud-américains. « Il y a beaucoup de local pour amener une touche French Riviera, rajoute Wagner Spadacio. En revanche, ce ne sont pas des sushis dans la plus pure tradition japonaise. Au Japon, c’est très brut car on met véritablement en avant la qualité du poisson, la manière dont il a été pêché, traité, muri ou pas, mariné ou non. » Au Nobu, vous trouverez donc davantage des sushis calibrés pour des bouches et des goûts européens.