Le Conseil national élabore actuellement une proposition de loi pour instaurer à Monaco la rupture conventionnelle du contrat de travail.
Les salariés qui travaillent à Monaco le savent bien… La rupture conventionnelle du contrat de travail (introduit en France en 2008) n’existe pas à Monaco. Cette séparation à l’amiable entre un salarié en CDI et son employeur présente un atout non négligeable. Elle permet en effet au salarié de bénéficier de l’indemnisation chômage après avoir quitté son poste, ce qui n’est pas le cas dans le cadre d’une démission. En Principauté, ce sujet a été assez peu abordé au sein du débat public. Seule l’ancienne élue et avocate Sophie Lavagna l’avait évoqué à bâtons rompus il y a quelques années lors de séances budgétaires au Conseil national, sans que rien ne soit ensuite concrétisé. C’est désormais chose faite.
« Ce texte a pour objectif principal d’offrir une possibilité de rupture du contrat de travail amiable, et donc de sortir d’une relation d’opposition employeur/salarié »
« Sortir d’une relation d’opposition employeur/salarié »
Les élus planchent en effet actuellement sur une proposition de loi instaurant cette rupture, sans litige, du contrat de travail. À ce stade, le texte est encore un projet à l’étude, qui n’a pas formellement été déposé. « Ce texte a pour objectif principal d’offrir une possibilité de rupture du contrat de travail amiable, et donc de sortir d’une relation d’opposition employeur/salarié, pour lui substituer une relation mature dans laquelle les deux parties décident, d’un commun accord de mettre un terme à leur collaboration, indique l’élu Christophe Robino, président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses (CISAD). Pour le moment, nous consultons le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et les organisations professionnelles. Nous nous efforçons d’évaluer le plus précisément possible l’ensemble des problématiques liées à cette question. »
Des syndicats, pour l’heure, mitigés
Du côté de la Fédération des syndicats de salariés de Monaco (F2SM), on se réjouit que ce dossier émerge enfin dans le débat monégasque. « Ouvrir une discussion sur ce sujet est une bonne idée et nous saluons cette initiative du Conseil national, nous indique le président de la F2SM, Cédrick Lanari. Cela fait très longtemps que la F2SM demande à ce qu’il y ait une rupture conventionnelle du contrat de travail “à la monégasque”. Les salariés de Monaco qui souhaitent quitter leur entreprise auront ainsi la possibilité de le faire, sans avoir à démissionner, et en ayant des droits au chômage. C’est un avantage et une option intéressante. En revanche, le projet de proposition de loi qui nous a été transmis par le Conseil national ne nous convient pas en l’état. »
« Les salariés de Monaco qui souhaitent quitter leur entreprise auront ainsi la possibilité de le faire, sans avoir à démissionner et en ayant des droits au chômage. C’est un avantage et une option intéressante »
Indemnités de congédiement
C’est ce que prévoit le texte sur les indemnités de congédiement — considérées comme trop faibles — qui pose problème à ce stade. A l’Union des syndicats de Monaco aussi, on se méfie, de cette première version envoyée par les élus. « La rupture conventionnelle est une demande des salariés, assure tout d’abord Olivier Cardot, le secrétaire général de l’USM. Le diable se cache toutefois dans les détails. Il va falloir faire très attention. Notamment en ce qui concerne les indemnités de congédiement. Car lorsqu’un salarié se fait licencier, cette indemnité sera pleine. En revanche, dans la rupture conventionnelle proposée par les élus, elle est divisée de moitié. » Interrogé par l’Obs’ le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, Didier Gamerdinger, n’a pas souhaité se prononcer pour l’heure sur ce sujet : « C’est une idée sur laquelle je n’ai que peu réfléchi puisque je n’ai pas été saisi à ce stade, indique-t-il. N’ayant pas eu le texte sous les yeux et ne sachant pas comment il s’articule, il est difficile de me prononcer à ce stade. » La FEDEM de son côté, se dit plutôt contre la rupture conventionnelle. Cette fédération représentant les employeurs estime que c’est « inadapté au tissu économique monégasque ».
FEDEM : « La rupture conventionnelle est inadaptée au tissu économique monégasque »
Le Conseil national a également transmis à la Fédération des entreprises monégasques (FEDEM) un projet de proposition de loi visant à instaurer à Monaco la rupture conventionnelle du contrat de travail. Qu’en pense, à ce stade, son président, Philippe Ortelli ? Sa réponse : « Ce texte modifie la loi 729 sur le contrat de travail qui est un texte d’importance, en y introduisant notamment la rupture dite conventionnelle qui vient se rajouter aux autres modes de rupture du contrat de travail. Celle-ci nous apparaît inadaptée au tissu économique monégasque, parce qu’elle nécessite une procédure trop longue et trop compliquée, que le salarié comme l’employeur risque de ne pas maîtriser, mais aussi et surtout parce qu’elle n’offre pas suffisamment de garantie. Il nous semble que la rupture conventionnelle pourrait surtout permettre au salarié de pouvoir quitter l’entreprise sans subir les conséquences d’une démission, et notamment l’absence d’accès à l’assurance chômage. Elle ne prémunit pas suffisamment l’entreprise contre toute action en justice, n’ayant pas la même nature qu’une transaction ayant l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Pour un tissu de PME comme Monaco, il faut un système simple, même avec un coût plus élevé au départ, car de toute manière, les frais de justice sont très élevés à Monaco… »