Si le droit monégasque a progressivement accordé de plus en plus de droits aux femmes et aboli certains archaïsmes, dans quelques textes, il reste encore des traces d’un patriarcat et d’un androcentrisme trop marqués.
Un projet de loi déposé en février dernier propose de « purger » toutes ces dispositions « obsolètes » qui sont en total décalage avec les évolutions sociétales actuelles. Explications
Lorsque l’on se plonge dans les méandres du Code civil, du Code pénal ou autre Code du commerce monégasques, on peut y trouver des lois ou des notions juridiques qui, aujourd’hui, feraient totalement bondir les féministes… Il faut dire que ces textes ont été écrits en des temps où la condition féminine et le droit des femmes n’étaient pas franchement une préoccupation ou une priorité. Le Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes et le gouvernement ont donc décidé de rectifier le tir et de se mettre au diapason des évolutions sociétales. En février, un projet de loi a vu le jour avec un objectif : éliminer ou modifier toutes les dispositions du corpus juridique monégasque considérées comme « obsolètes ». Pour traquer toutes les inscriptions empreintes d’androcentrisme (avec l’homme comme seule référence) et d’un patriarcat trop marqué, les services de l’État ont épluché de manière « exhaustive » assurent-ils, la totalité des articles du Code civil, du Code de procédure civile, du Code de procédure pénale, du Code pénal, du Code de commerce, ainsi que sur l’ensemble des textes non codifiés.
« Une conception patriarcale de la famille »
Concrètement, que peut-on trouver dans les textes monégasques ? Certains termes suggèrent par exemple que l’exercice de certaines fonctions (ou missions) ne pourraient être réservées qu’à un homme. On y trouve également des formulations renvoyant à une conception patriarcale de la famille, « dans laquelle l’époux ou le père se voit seul investi du pouvoir de gestion des intérêts de la famille et de décision en son sein, les femmes étant considérées comme les incapables sous régime de protection », peut-on lire dans le projet de loi. Ce texte propose donc, entres autres modifications, de faire « une actualisation lexicale », avec des énoncés ou des adverbes « plus neutres, qui ne véhiculent plus aucun stéréotype fondé sur le sexe. » Sont par exemple concernées par cette réécriture, les formulations usuelles telles que la « gestion en bon père de famille », que le texte veut remplacer par le terme « raisonnablement ».
Le délai de viduité abrogé
Autre exemple concret : l’article 126 du Code Civil impose un délai de viduité. Qu’est-ce qui se cache derrière ce terme ? En réalité, cet article précise qu’une femme veuve ne peut se remarier avant l’expiration d’un délai de 310 jours à compter du décès de son mari. Le projet de loi propose donc d’abroger tout bonnement cet article. Sont également supprimés, deux articles d’une ordonnance loi datant de 1944 mentionnant noir sur blanc que « les femmes mariées, ne peuvent, sans l’autorisation maritale, adhérer à un syndicat professionnel (De même pour les syndicats patronaux N.D.L.R). et participer à sa direction et à son administration. »
Cheffe de foyer « On trouve encore des traces de cette primauté de l’homme »
Selon de nombreux observateurs, c’était l’un des archaïsmes du droit social monégasque… À Monaco, le chef de foyer, c’est-à-dire la personne qui peut faire bénéficier ses ayants droit de certaines prestations sociales (allocations familiales et couverture maladie pour les enfants) était — jusqu’à très récemment — uniquement un homme, et subsidiairement (c’est-à-dire lorsque l’homme n’exerce aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucune assurance santé) une femme… Une discrimination fondée sur le sexe à laquelle le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, Didier Gamerdinger, a souhaité mettre un terme « Ce sont les legs du passé. La société pendant des centaines d’années a été profondément inégalitaire et profondément marquée d’une empreinte masculine. Dans nos dispositions juridiques, on trouve encore des traces de cette primauté de l’homme », regrettait-il. Depuis le 1er janvier 2019, une évolution a eu lieu dans ce domaine via une ordonnance souveraine. Depuis cette date, les femmes fonctionnaires et agents de l’État qui résident à Monaco peuvent demander à avoir ce statut, jusqu’à présent réservé au mari, au père ou au concubin. Bref… aux hommes. Plus de 530 femmes étaient, à cette époque, potentiellement concernées par ce changement. Ce texte prévoit également qu’en cas de remariage, la mère d’un enfant issu d’une précédente union conserve désormais la qualité de chef de foyer, alors que jusqu’à présent c’était son nouveau mari qui était désigné comme tel. Cette révolution n’est toutefois pas achevée. Une montagne reste encore à surmonter pour les salariées du privé qui résident à Monaco. Pour que ces femmes puissent bénéficier (si elles le souhaitent) du statut de chef de foyer (et des prestations familiales et médicales qui vont avec), un impératif juridique s’impose : modifier la convention franco-monégasque de sécurité sociale en matière d’ouverture de droits aux prestations familiales. Un processus qui, à en croire les autorités monégasques, prendra encore du temps.